Victime d’un Accident vasculaire cérébral (AVC) il y a cinq ans, Danielle Hoffarth, aujourd’hui gestionnaire financière d’Eucor, évoque la « double peine » que fait peser sur elle son handicap. Mais aussi la lente acceptation de son « nouveau moi » après l’accident, qu’elle considère aujourd’hui comme le début de sa deuxième vie.
A son trousseau se balance un porte-clé Dory, l’amie tête de linotte du poisson Nemo dans le dessin animé. « C’est moi, c’est mon surnom ! », sourit Danielle Hoffarth. A cause de ses pertes de mémoires, fréquentes depuis son AVC. Ça a pris du temps, mais aujourd’hui elle considère ce cataclysme « comme un point de départ, une ouverture à la bienveillance, envers soi et les autres, et au don sans contrepartie. » Le début d’une nouvelle vie, pour elle qui célèbre maintenant « deux anniversaires ». Et a choisi de transformer cette présupposée faiblesse en force.
Surtout, elle n’a plus honte de dire qu’elle est « handicapée ». Depuis sa reprise du travail, en 2016, Danielle a demandé et obtenu le statut Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). « Un petit parachute pour les personnes fragiles, comme nous. » Porte d’entrée vers les autres aides, comme la pension d’invalidité, la RQTH permet aussi de faciliter l’aménagement du poste et du temps de travail. Dans son cas, un passage à 80 %, l’an dernier. « Ma santé était en jeu. »
Séquelles cognitives invisibles
Comme les séquelles cognitives laissées par son AVC sont invisibles et invalidantes – troubles de la mémoire, de l’attention, grande fatigue… – elle n’hésite pas à le rappeler autour d’elle, « car les collègues peuvent avoir tendance à l’oublier ». C’est aussi pour cela qu’elle a choisi de témoigner dans cet article. « Si le handicap est tu, cela peut rapidement créer des situations de tension dans le travail. » Mais attention, il s’agit « d’expliquer, pas de se justifier ! »
« Dans une société où on nous demande d’être à 100 % dans tout ce qu’on fait », Danielle aimerait inverser la logique et faire évoluer le regard. Elle a donc créé la section départementale de l’association France AVC. « Comme l’information est la clé, on intervient en entreprise et dans les organisations professionnelles (à l’Unistra le 4 juin, lire ci-dessous). » Une manière aussi, pour elle, de rendre tout ce qu’elle a reçu : c’est dans la parole, recueillie par des professionnels, mais aussi des personnes ayant traversé la même épreuve, qu’elle a puisé la force de dépasser « la détresse ». La méditation l’a aussi beaucoup aidée.
« Reprendre son piolet et gravir la montagne »
Car au lendemain de l’accident, on se sent très seul – « les médecins ne nous fournissent pas de service après-vente ! » – et on passe par toutes les phases du deuil. D’abord le déni : « J’avais une vie à 100 à l’heure, un poste à responsabilité très stressant dans une holding et des semaines de 60 heures. Je pensais prendre une semaine de repos et repartir comme avant. » La réalité s’impose peu à peu à elle : « Il faut réapprendre les tâches simples. La confiance en soi en prend un coup. » Grande lectrice, elle s’effondre en réalisant qu’elle oublie tout du précédent chapitre de son polar. Vient ensuite la colère : « Il faut surpasser le sentiment de culpabilité, réinvestir positivement toute cette énergie ».
En cherchant parfois ses mots, Danielle évoque « la vie sociale qui change, car mon sablier d’énergie quotidienne s’est considérablement rétréci. Fini le cinéma, trop bruyant. Les restaurants, c’est compliqué… » Ce « nouveau moi », elle a fini par « l’accepter ». Ce qui ne veut pas dire que le travail soit terminé. « Ça fonctionne par phases. » La reprise d’une activité professionnelle, après trois ans d’arrêt, manière de « revenir à une vie normale », lui demande une énergie considérable. « J’ai mis très longtemps à m’y adapter. Le niveau de stress a pourtant beaucoup diminué par rapport à mon ancien poste, mais ma jauge d’acceptation a baissé d’autant. » Sans se décourager, elle reprend « son piolet » pour « gravir de nouveau la montagne ». Et regarde vers l’avenir : « Il y a encore tant de choses à accomplir… »
Elsa Collobert
- Conférence sur l’AVC, mardi 4 juin 2019, à 18 h, à l’Institut Le Bel, organisée avec le Service de santé au travail